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Rimsky Korsakov - Piano Duos - Crescendo

De l'oeuvre pour piano de Rimski-Korsakov, Louis Aguettant ne retient, dans son ouvrage La musique de piano des origines à Ravel, que le Concerto, dont il déplore du reste qu'il ne compte pas parmi les pages les plus personnelles de son auteur. C'est dire combien les arrangements figurant sur ce disque ont pu passer inaperçus depuis la mort, il y a bientôt un siècle, du compositeur russe. Pourtant, nul ne penserait sérieusement contester que Schéhérazade, Sadko et le Capriccio espagnol témoignent, pour leur part, d'une grande originalité. Fidèle à l'esthétique proclamée par le Groupe des Cinq, Rimski puise dans ces œuvres aux sources des chants populaires, s'inspirant des rythmes, modes et harmonies caractéristiques du folklore russe. Il emprunte également au répertoire classique (Sadko porte en son sein plusieurs réminiscences de Liszt, Glinka, Balakirev et Dargomyzhsky) ainsi qu'au folklore étranger (Capriccio espagnol). Schéhérazade atteste par ailleurs de son attrait pour l'Orient. Si chacun de ces trois  Poèmes symphoniques parvint sans peine à s'élever au rang d'œuvre-phare de l'école nationale russe, c'est notamment grâce à leur orchestration, qui relève du génie. Les arrangements pour piano repris sur cet enregistrement, pourtant de la main du compositeur -ou, dans le cas de Sadko, de son épouseauraient peut-être été davantage remarqués si leurs modèles n'avaient atteint à un tel degré de perfection; encore que rien ne soit moins sûr, compte tenu de l'écriture quelque peu malhabile des deux réductions réalisées par Rimski lui-même. Au clavier, ces trois pages gagnent en suavité ce qu'elles perdent en grandiloquence. Artur Pizarro et Vita Panomariovaite privilégient d'ailleurs la sensualité, caressant à l'envi la courbe étourdissante des arabesques, au détriment de la narration et du fantastique auxquels aspiraient ouvertement les programmes rédigés par le compositeur. Ceci est vrai, surtour, pour Schéhérazade, où les deux pianistes préfèrent les brumes d'un monde exotique at voluptueux à la puissance orchestrale à laquelle l'auteur de la Grande Pâque Russe nous a tant habitués. Les envolées lyriques dans les registres dynamiques contrastés sont plutôt rares, l'attaque du son trop peu vigoureuse à mon sens, mais l'ensemble est soigné, voire raffiné. L'interprétation poétique de l'opus 35 fait mouche dans l'Allegro molto final. Dans le Capriccio espagnol, nos deux artistes se permettent enfin quelques accents de vraie liesse. Les deux Alboradas qui traversent l'œuvre ont des accents de farandoles plus que de fanfares; le Chant Gitan, tournoyant fièrement, est habilement mené, et le Fandango final sonne et résonne comme un feu d'artifice. Voici donc un disque qui, sans être incontournable, s'écoute avec bonheur sous un ciel étoilé.

Crescendo
01 March 2008