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Chouchane Siranossian - Romberg: Violin Concertos - Res Musica

Trois concerti inédits sont présentés ici première mondiale. Les quatrième et neuvième rappellent à plus d’un titre, dans leur allegros initiaux très développés, le style de Joseph Haydn par la faconde de la partie soliste, par l’exploration de l’aigu de l’instrument, par la partie soliste finement ornée recourant souvent aux doubles cordes, par l’enjouement des dialogues avec l’orchestre, avec çà et là de gros effets de surprises – par exemple de brutaux changements de tonalité. Leurs finals, pensés comme des rondos de style galant ou populaire, sont plus dans le sillage discursif des concerti intercalaires des sérénades mozartiennes, mais l’une ou l’autre incise (tout le couplet en mineur du final du quatrième) semble en appeler à une sensibilité préromantique. Les mouvements lents, surtout celui du neuvième, liliputien et assez indigent, plus téléphonés et un peu plus courts d’idées tant dans le profilage thématique que dans l’agencement de la partie soliste apparaissent en retrait. Mais la véritable révélation de ce disque est le splendide Concerto n° 12 en sol mineur, nettement postérieur (vers 1800), avec ce dramatique premier temps, presque beethovénien – et une cadence entièrement écrite par le compositeur accompagnée par la petite harmonie et les timbales. Ce mouvement lent anticipe les recherches expressives de la génération suivante (l’on songe à Mendelssohn), et le finale alla polacca bénéficie d’une’irrésistible pulsation rythmique, malgré un spleen presque schubertien.

Dans l’esprit de découverte qu’on lui connaît, la jeune violoniste Chouchane Siranossian (lauréate des ICMA 2017) porte ce projet à bout de bras, avec son engagement et sa flamme habituels. Cette violoniste tout-terrain, tant passionnée par l’exploration des répertoires baroques virtuoses, que par les concerti de maîtres injustement oubliés, ou encore de la défense et l’illustration de la création contemporaine la plus pointue, donne ici l’exacte mesure de son talent protéiforme. Son cursus pédagogique (qui l’a menée de Tibor Varga à Reinhard Goebel, en passant par Zakhar Bron) lui permet de dominer de la tête et des épaules ces partitions assez inclassables, mais techniquement assez redoutables. Certes, il faut admettre les standards d’une interprétation historiquement informée, et du recours à un instrumentarium « d’époque », avec cette sonorité un rien acidulée dans l’aigu, un léger manque de corps de l’instrument dans le registre médian – où est-ce un effet de la captation? – , l’absence de vibrato et une balance avec l’orchestre totalement repensée. Mais tout cela est mené rondement avec une intelligence musicale exquise doublée d’une sensibilité à fleur de peau, avec un sens de l’à-propos d’une confondante et irrésistible spontanéité. Par exemple, au fil de ses redites, le final du quatrième concerto en appelle ici à des effet presque jazzy ou folk (surtout à partir de 3′) par le déboutonné très contrôlé des traits virtuoses répétés.

Le Capriccio Barockorchester, basé en Suisse alémanique sous la houlette de son violon conducteur, l’excellent Dominik Kiefer, offre une réplique idéale, à la fois robuste dans les imposante dans les vastes tutti que raffinée et attentive dans l’accompagnent délicat de l’impeccable et parfois imprévisible soliste.

Voici donc un très grand disque de concerti totalement inédits au disque, offerts en première mondiale, d’emblée dans des versions de référence. Un enregistrement qui ravira tant les amateurs de violons que les mélomanes passionnés par la transition entre âges classique et romantique.

Res Musica
09 April 2021