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Jacques Imbrailo - Sibelius & Rachmaninov: Songs - Res Musica

Cette anthologie menée de main de maître par le baryton Jacques Imbrailo et le pianiste Alisdair Hogarth, nous invite avec autorité à pénétrer dans l’univers de deux maîtres dont les mélodies se nourrissent des chefs-d’œuvre de leur littérature.

Sibelius et Rachmaninov ont habité à égale distance de Saint-Pétersbourg, le premier à Helsinki (Järvenpää), le second à Novgorod, en terre russe. Pour autant il semble qu’ils ne se soient jamais rencontrés physiquement tout en connaissant sans aucun doute certaines de leurs œuvres respectives. L’un et l’autre ont composé de magnifiques mélodies pour voix et piano.

Jean Sibelius a mis en musique une centaine de mélodies, la plupart sur des textes suédois, sa langue natale, empruntés à de merveilleux poètes comme Zacharias Topelius dont on appréciera les Cinq Mélodies de Noël (1913) inspirées par une simplicité apparente, la tradition du chant choral et les plus anciens chants populaires. Le fameux Sur un balcon au bord de la mer (På verandan vid havet, 1903) d’après Viktor Rydman impressionne par son austérité et ses sentiments panthéistes tandis que les mémorables Svarta rosor (Roses noires, 1908) sur un texte de Ernst Josephson en imposent durablement avec leurs tourments intérieurs, leur dramatisme et leurs effets hypnotiques.

Un mot encore de Säv, säv, susa (Roseaux, roseaux, murmurez) qui évoque le suicide d’une jeune fille martyrisée par ses concitoyens, conflit admirablement dessiné par le puissant et ténébreux Gustav Fröding.

Le chanteur lyrique sud-africain quarantenaire, Jacques Imbrailo, aborde cette sélection avec bonheur. Sa voix de baryton puissante, précise et grave fait merveille. Pour l’accompagner le pianiste britannique Alisdair Hogarth (né en 1980), par ailleurs chef de chœur, assure son rôle de partenaire à part entière tant les notes qu’il doit jouer viennent renforcer la puissance des textes.

De Rachmaninov, Imbrailo et Hogarth, défendent quelques opus saillants extraits d’un riche corpus de quelques 90 numéros au sein duquel le mélodisme intarissable et séduisant du compositeur russe opère sans relâche, inspiré par des poètes russes renommés, tout comme Sibelius par la littérature nordique. Tous sont élaborés jusqu’en 1916, juste avant le Révolution. On signalera son travail sur les mots de Pouchkine pour Ma belle, ne chante pas pour moi, aux accents orientaux ; sur Les Eaux printanières op. 14 (1896), d’après Fyodor Troutchev, évocatrice de la nature ; sur les mots de l’op. 21 (1902) avec Siren’ (Le Lilas) de Ekatarina Beketova, simple et pure, ou encore Sur une tombe fraîche (Semen I. Nadson), intense déploration funèbre.

Soutenues par deux artistes talentueux, les musiques pour voix et piano de Sibelius et de Rachmaninov épousent à merveille des propos littéraires souvent incandescents et mélancoliques. On n’oubliera pas pour autant les références discographiques dues à Krause-Djupsjöbacka (Finlandia, 1973) et Jurmu-Somero (Naxos, 2005) pour Sibelius, pas plus que les interprétations inoubliables de Hvorostovski (Philips, 1991) et Boris Christoff (EMI, 1960) pour Rachmaninov.

Res Musica
03 August 2018